Pour les anciens, ex : YOUNG MICHELIN. Le groupe non seulement existe encore, mais mieux (ou pire, à vous d'en juger), ils sont de retour avec un nouvel album, La lune sera bleue. Paru en février 2024, il nous arrive douze ans après le phénoménal Regarde le ciel.
Mais avant d'aller plus loin, quelques éléments de contexte !
2010
A cette époque scintille encore les dernières poussières d’une comète identifiée comme étant l’âge d’or de la musique électronique à la française. Ce qui, très péniblement, a été appelé la French Touch, représentant l’apogée de Cassius ou Daft Punk… Eh bien, dans l'ombre de ces mastodontes, pour ceux qui l’ignoraient encore, la création analogique d’un groupe marseillais perçait les ondes. Littéralement téléporté du fin fond des années 80, Aline apparaissait avec un titre d’une poésie incroyable : Je bois et je danse (vainqueur du concours CQFD des Inrocks, qui leur offrira une véritable audience médiatique).
"Elle m’oubliera"
Tiré de l'album des débuts, Elle m'oubliera, est sans doute le titre qui reflète au mieux l’ADN du groupe. D’abord par ce crescendo à l’entame du morceau confondant avec l’étrange démarrage de Some Girls Are Bigger Than Others des Smiths. Annonçant par cette référence, non seulement d’où ils viennent, mais plus sûrement encore, où ils souhaitent aller. Accompagné de cette guitare cristalline, mélodique, aux effets discrets mais bien présents, ils nous offraient, sur un ton enjoué, une profondeur sans limite.
Et c’est exactement ce qui nous chavire.
Aline, depuis ces débuts, marche sur ce fil ténu, cet équilibre fragile entre insouciance et gravité. À l'instar de leur succès, de leur trajectoire, de leur carrière en demi teinte, le groupe incarne viscéralement ce paradoxe. Comment sinon, pourrait-on autrement définir cet art si subtil, de traiter des sujets les plus légers avec le plus grand sérieux ? (à moins que ce soit l'inverse?)
Les écouter revient à gommer ce qui blesse, comme si tout – ou plutôt rien –n’était réellement grave. Une ironie qui transpire dans ce sentiment d’essentiel : La vie, l’amour, la mort, pourrait-on ainsi le résumer. Annihilant par je ne sais quelle magie, les guerres, la misère et le reste... Romain Guerret à la tete du groupe, réussit à suspendre le temps sur un baiser. Sur ce baiser précisément, nous laissant pour l’éternité convaincus que c’est la seule chose au monde que ait de la valeur.Elle m'oubliera, nous plonge dans cette ultra-émotivité adolescente, où tout est intense, où tout est profond, où tout est définitif.
Alors non,
NON, Elle m’oubliera, PAS.
Et en live alors ?
Que vous dire… Évidemment, le ressenti est biaisé. Voir, revoir Aline, alias ex-Young Michelin, est loin d’être anodin. Se mélange à la nostalgie une étrange fébrilité. D'abord parce que le corps tout entier est à l'affût, pour ne rien louper. Entendre à nouveau Les copains, Deux hirondelles, ou Je bois et je danse, et j’en passe… c’est se réapproprier une partie de son existence. L'excitation, l'attente, fatalement, est rejointe par la crainte. Et si on ne pouvait sortir Aline de son contexte, de son époque, de notre époque ? Sans compter que les voir en live nous contraint à partager cette intimité avec de parfaits inconnus. Écouter un public s’approprier, se réapproprier les refrains, les scander, ce qui, légitimement, pourrait nous déposséder de ce que l'on a de plus cher. Mais c’est, là encore, sans compter sur le talent incroyable de l’ensemble. Oui, sur scène, Aline a l’énergie qui transporte. Bien que les fleurs aient fané, bien que le train soit passé, le cœur, à nouveau, s'emballe. Résonne comme un chant lointain chargé de possibles, si plein de jeunesse, une mélodie que recouvrent le chagrin, la déception et la peine.
Le grand numéro, le tour de passe-passe fonctionne encore, la magie du paradoxe opère.
Comments